NON COUVERTS POUR DES INTERVENTIONS OBSTETRICALES MAJEURES?

Les ratios de mortalité maternelle (ou RMM) sont généralement utilisés pour apprécier la capacité des différents systèmes de santé à répondre aux besoins obstétricaux. Dans les pays industrialisés, les ratios de mortalité maternelle ont énormément diminués à la fin du siècle dernier et au début de ce siècle par une combinaison de différents facteurs: l’amélioration de la nutrition maternelle, les soins prénatals et la prise en charge des complications obstétricales en pre, per et postpartum immédiat. Dans les pays en voie de développement, les RMM n’ont par contre pas diminués et ils restent élevés, entre 250 et 950 morts maternelles pour 100 000 naissances vivantes. Des travaux récents de recherche ont conclu que la raison principale de cette situation était le déficit en soins obstétricaux essentiels d’urgence, plutôt que le manque de soins prénataux.

Jusqu’à récemment, les RMM des pays en voie de développement ont été calculés aux moyens de techniques indirectes d’estimation en utilisant des données provenant de larges échantillons de population telles que les Enquêtes Sanitaires et Démographiques. Ces travaux ont produit des estimations plus sûres, mais ayant un intérêt limité pour la gestion des services de santé parce qu’elles représentent une moyenne nationale. Elles nécessitent des enquêtes à large échelle et sont par conséquent très chères à réaliser, obligeant les planificateurs sanitaires à rechercher des indicateurs alternatifs. Il faut noter aussi les essais de mesure des indicateurs de processus et d’output, comme par exemple la disponibilité de soins obstétricaux d’urgence ou le nombre de services fournis par maternité hospitalière. Aucun de ces indicateurs n’a cependant pu fournir les informations nécessaires pour les décideurs et les planificateurs des services de santé.

Un outil particulier, développé par le Département de Santé Publique de l’Institut de Médecine Tropicale d’Anvers est la mesure des besoins obstétricaux non couverts ou UON, Unmet Obstetrical need. Cette mesure compare le besoin en soin obstétrical essentiel avec la capacité des services de santé à le fournir. Cette mesure permet de donner des informations sur la situation des soins obstétricaux par région géographique – de taille variable. Cela peut être utilisé pour planifier et suivre les améliorations des services de santé et être le point de départ d’un dialogue entre les décideurs locaux, régionaux et nationaux. Le concept du besoin non couvert réfère à la notion de différence entre les services que le système de santé doit offrir pour répondre aux problèmes obstétricaux dans une population donnée et les soins réellement prodigués. En terme opérationnel, l’indicateur UON est exprimé en nombre de femmes qui auraient du bénéficier d’une intervention obstétricale majeure et pour lesquelles l’intervention n’a pas eu lieu. Il est possible d’estimer le besoin non couvert en interventions obstétricales d’urgence sans avoir recours à de grands investissements dans de larges enquêtes de populations. Les indications d’urgence obstétricale sont les suivantes: l’hémorragie sévère ante-partum (placenta praevia et décollement du placenta), l’hémorragie sévère du post-partum, la disproportion foeto-pelvienne (y compris la pré-rupture et la rupture utérine), la présentation de l’épaule ou transverse et la présentation du front.
Ces estimations peuvent être utilisées pour comparer différentes régions géographiques, identifier celles qui ont un indicateur UON le plus élevé et ainsi cibler les dépenses et les efforts d’amélioration des services. L’approche UON permet aussi aux planificateurs de suivre le progrès sur le développement des services à travers le temps et l’impact sur la santé maternelle.

Les besoins obstétricaux non couverts pour des interventions majeures peuvent donc être un levier pour les interventions, bien plus qu’un outil de mesure. C’est pourquoi un exercice de recueil de données et d’analyse des besoins obstétricaux non couverts dans un pays peut:

  • Aider à créer la conscience politique en faveur du développement de la santé maternelle,
  • Apporter facilement l’information nécessaire pour planifier et prioriser le développement des services,
  • Induire des interventions de lutte contre la mortalité maternelle au niveau local en changeant certaines attitudes, en mobilisant les ressources et en adaptant mieux les pratiques professionnelles aux besoins des femmes.

L’utilisation des besoins obstétricaux non couverts pour des interventions majeures comme point d’entrée pour le lancement ou la révision d’une stratégie de lutte contre la mortalité maternelle peut être source de nombreux bénéfices comme:

  • Encourager des discussions communautaires et des pressions politiques pour la mobilisation des ressources et la formulation de stratégies d’amélioration des soins obstétricaux,
  • L’implication directe des professionnels de santé et des communautés dans l’amélioration des soins obstétricaux, et d’une manière plus générale, du système de référence,
  • Rendre possible le suivi des tendances dans le domaine de la lutte contre la mortalité maternelle.
Estimer les besoins obstétricaux non couverts est donc un point de départ pour des interventions concrètes en termes de développement de politique sanitaire et d’amélioration de la santé maternelle.


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